samedi 31 octobre 2015

La pluie, la boue et le ciel

 “Bon, vous pouvez mettre votre tente sur notre pré si vous voulez, mais je ne sais pas ce que dira mon mari, il n’est pas encore là”. Un accueil un peu hésitant au début - sur cette petite maison de campagne, près de Lucera.

Mais encore maintenant, plus de 2 semaines plus tard, alors que me trouve déjà beaucoup plus loin, Antonietta et Matteo (ledit mari) me téléphonent régulièrement pour prendre de mes nouvelles. Durant les deux jours que j’ai passé chez eux,  il s’est crée une amitié très profonde. J’aime à penser qu’ils sont un peu mes grand-parents apuliens.
Si il m’arriverait un malheur, si je devais pleurer, c’est vers eux que je me tournerais.


Le sud, c'est le soleil - tu parles! ;-) 

Lors de la traversée de Lucera, comme toujours, beaucoup de curiosité succité par Gamin. je rencontre un homme qui m’offre une lasagne et me donne l’adresse d’un ami à San Giusto - vers où je me dirige et justement, où il me faudra un abri. Cet ami, vétérinaire et éleveur de buffles, m’accueille alors comme une reine. Je goûte des fruits exotiques - certains ne poussent que dans des régions précises dans les Pouilles.

Et la filière continue: De San Giusto on m’envoie vers une grande Azienda Agricola.



L’azienda Agricola “La Quercia” 

Elle appartient à Urbano di Leonardis, fils de l’homme politique Donato di Leonardis - un grand ami d’Aldo Moro.
Donato Di Leonardis est malheureusement décédé il y a quelques années. “Il aurait eu un grand plaisir de vous rencontrer et vous parler” m’assure son fils. Et il me remet un livre écrit par son père “L’umanità di Aldo Moro” (l’humanité d’Aldo Moro). Un reccueil très personel de souvenirs qui ont tous pour vocation de démontrer le caractère de Moro.

Une oeuvre que je dévore. A ce jour, je n’ai pas vu de livre plus beau sur Aldo que celui-ci.
Y est aussi publié une collection de lettres écrites par Aldo Moro à son ami. Elles sont privées, voire intimes et permettent un regard profond dans les états d’âmes de Moro. Je suis touchée par son langage poétique, par sa grande sensibilité et ses émotions. Mais je suis également effarée de découvrir un homme souvent triste, qui se sent seul et incompris, plein de regrets et de doutes. “J’ai l’impression de dormir. Comme si ce n’était pas moi qui vit ma vie”. 

La “coïncidence” qui m’a fait atterrir sur les lieux des Di Leonardis, je la vois comme un cadeau d’Aldo qui se confie à moi en m’offrant un regard intime dans sa vie intérieure.

Les jours suivants sont marquées par la marche à travers les étendues interminables entre Stornarella et Cerignola. Une zone pauvre, marquée par la crise. Un territoire mal famé, bourrée de déchets qui ‘empilent au bord des longs chemins droits comme tracés à la règle. Avec des maisons en ruine sans habitants et si habitants il y a, des gens pleins de peur et de méfiance.
Et toujours et encore, la pluie, interminable. Elle transforme les sentiers en bain de boue. Gamin glisse, s’enfonce dans la merde et moi je tombe, me salis et me mouille.



Je campe un peu n’importe où. Près des maisons si ça se trouve, pour avoir au moins l’illusion d’un peu de sécurité. Connexion internet : néant, la clé 3G ne prend pas, même pas à proximité des villes. La zone est trop...pourrie.

Matteo appelle souvent, il me dit qu’il ne sera pas tranquille avant d’avoir la certitude que j’ai enfin laissé Cerignola derrière moi. Trop de délinquance, trop de dangers.


Les bords de la route sont une immense poubelle.

Finalement nous arrivions près d’une belle masseria historique : “Le Torri”.

Le Monsieur qui y habite, Michele, m’offre tout de suite l’hospitalité. Pas besoin de planter la tente, il me donne une chambre.  Michele a des chevaux, des chèvres et des volailles de tout genre. C’est un véritable havre.



Gamin a "Le Torri"

Sur la Masseria, c’est un va et vient continu des amis et voisins de Michele. Et je les comprends! Car Michele est un monsieur charismatique, d’une grande gentillesse chez qui il fait tout simplement bon être.
La  Massieria n’a (pas encore) de courant. On se débrouille avec un groupe électrogène, des lampes à piles et à gaz. Après des nuits passées sur des lieux ... disons, un peu douteux, il fait tellement bon de se retrouver dans ce foyer chaleureux.

Parmi les amis innombrables de Michele, è Nunzio qui connaît un journaliste de la Gazetta del Mezzogiorno. Il appelle et le lendemain on fait une interview. Un autre journaliste internet arrive et tourne une petite vidéo.


De gauche à droite : moi, Nunzio et Michele

Les retombées dans la presse se multiplient et ceci commence à se faire sentir. Les demandes d’amitié sur faceook explosent, les messages aussi et comme je n’ai que rarement la connexion internet, une file d’attente considérable se construit en mon “absence”.

Il y a de plus en plus d’articles qui tournent mais qui n’ont pas été réalisés suite à une interview : Les journalistes piquent et copient chez leurs confrères, ce qui crée des erreurs. Ainsi, "La Republica", pourtant un quotidien important en Italie, raconte - pardon - des conneries à la chaîne : Gamin serait un mulet et moi en voyage depuis deux mois avec point de départ Paris.

Bref, la nouvelle se répand en Italie et depuis un certain temps, est égalent arrivée à Maglie, où désormais, on m’attend officiellement. Des citoyens très engagées de Maglie m’ont contacté et font un suivi très proche de mon avancée, tout en préparant le grand jour, la finale..


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